“Il ne suffit pas de creuser un forage pour vendre de l’eau”, Dr Firmin Adandédji alerte sur la qualité de l’eau de boisson au Bénin
Au Bénin, la consommation d’eau potable reste un véritable enjeu de santé publique. Le vendredi 13 juin, la coordination nationale du Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement (REMAPSEN) a organisé son quatrième rendez-vous avec Dr Firmin Adandédji, chercheur à l’Institut National de l’Eau (INE) et spécialiste de la qualité de l’eau. Cette rencontre, qui a réuni des journalistes membres du REMAPSEN Bénin, a permis d’approfondir la réflexion sur les défis et les perspectives en matière d’eau de boisson au Bénin.
Selon Dr Firmin Adandédji, le Bénin dispose de plusieurs types d’eau exploitables. “On a plusieurs types d’eau et le type d’eau qu’on retrouve généralement, c’est les eaux souterraines qui constituent la première source d’approvisionnement pour les populations” a-t-il expliqué. À ces ressources, s’ajoutent les eaux de surface et les eaux de pluie. L’expert rappelle que l’eau est intrinsèquement liée à l’environnement et à l’hygiène humaine. “Tout ce que l’homme fait autour de l’eau constitue des éléments qui déterminent sa qualité” a-t-il martelé, insistant sur l’importance de l’assainissement du cadre de vie.
Les eaux souterraines, bien qu’étant les plus utilisées, ne sont pas exemptes de risques. “Généralement, les eaux souterraines sont les plus protégées, mais parfois on retrouve un certain nombre d’éléments de contamination microbiologique” a-t-il déclaré. Ces contaminants sont le plus souvent des coliformes totaux, des coliformes fécaux, des écolis et d’autres germes liés au manque d’hygiène. Outre ces dangers microbiologiques, l’utilisation abusive des engrais chimiques constitue également une menace. “On retrouve beaucoup plus les nitrates, qui se transforment après en nitrites et constituent des dangers pour cette ressource” a-t-il alerté.
Une réglementation en place, mais un contrôle encore insuffisant
Pour prévenir les risques sanitaires, l’eau destinée à la consommation doit impérativement être traitée. “Lorsqu’on ne garantit pas la qualité d’une eau avant sa consommation, on ne peut pas s’assurer d’un bien-être” a-t-il souligné. Au Bénin, la réglementation est claire : le décret n°2001-094 du 20 février 2001 fixe les normes de qualité de l’eau potable et détermine les seuils à ne pas dépasser. “On ne doit pas retrouver les germes comme les coliformes fécaux, les écolis, les salmonelles, les streptocoques fécaux et autres germes autochtones” a-t-il précisé.
Les structures chargées de veiller au respect de ces normes sont connues. “Il y a l’Agence Nationale de Contrôle de Qualité des Eaux et des Aliments, en lien avec le ministère de la Santé, qui est l’organe étatique en charge de cet aspect” a-t-il indiqué. En milieu rural, l’Agence Nationale pour l’Approvisionnement en Eau Potable (ANAEPMR) est responsable de garantir l’accès à une eau de qualité. Toutefois, Dr Adandédji reconnaît que les contrôles sont encore insuffisants, notamment pour les eaux vendues par des opérateurs privés. “Il y a beaucoup d’eau qui est mise sur le marché, et je pense que ce serait intéressant que le contrôle devienne encore beaucoup plus fréquent” a-t-il martelé.
Concernant les forages privés, l’expert a été catégorique : “Il ne suffit pas de dire j’ai fait mon forage et je commence à vendre l’eau aux populations. Pas du tout” a-t-il insisté. Toute personne souhaitant exploiter un forage doit d’abord obtenir une autorisation, réaliser les analyses de qualité requises et garantir la conformité de l’eau avant toute commercialisation.
Les mauvaises pratiques qui mettent en danger les populations
Au-delà des questions de réglementation, certaines pratiques courantes compromettent la sécurité des eaux souterraines. “C’est une très mauvaise habitude de jeter des ordures ménagères dans les puits abandonnés” a-t-il dénoncé. En effet, les nappes phréatiques étant interconnectées, la pollution d’un puits peut rapidement contaminer d’autres points d’eau situés à plusieurs kilomètres. “Les polluants peuvent se propager d’un puits à un autre et cela constitue un danger” a-t-il averti.
La distance entre les puits et les installations sanitaires est également un facteur clé de prévention des contaminations. “La réglementation spécifie qu’il faut entre 15 et 20 mètres de distance entre les puits et les ouvrages d’assainissement” a-t-il rappelé. Malheureusement, cette exigence est rarement respectée, surtout dans les zones fortement urbanisées. Par ailleurs, Dr Adandédji a insisté sur la nécessité de bien entretenir les puits utilisés. “Il faut une hygiène autour de ces puits, notamment les couvercles, la protection, l’étanchéité et les outils de puisage” a-t-il martelé.
Un autre risque souvent ignoré est le développement d’algues vertes dans les puits mal entretenus. “Ces algues peuvent produire des toxines et contaminer l’eau de ces puits-là” a-t-il souligné. Les consommateurs sont parfois les premiers responsables de la contamination, en utilisant des seaux et des cordes souillés pour puiser l’eau. “La contamination parfois ne vient pas des puits, mais de nous-mêmes qui contaminons ces eaux-là” a-t-il précisé.
Le défi de la consommation directe et la nécessité d’une vigilance collective
La question de la consommation directe de l’eau du robinet ou des forages reste centrale. “L’eau recueillie du robinet, ça dépend de la source. Si cette source est potable, on peut la consommer” a-t-il expliqué. Cependant, la potabilité à la source ne garantit pas automatiquement une bonne qualité au point de consommation. “Il faut vérifier la qualité de l’eau à la source et aussi celle qui arrive au robinet. Les installations doivent être adéquates pour garantir cette potabilité” a-t-il insisté.
À Cotonou, par exemple, la situation est préoccupante. “Cotonou capte la nappe phréatique qui est beaucoup plus exposée à toutes formes de pollution. Il n’est pas conseillé de consommer cette eau” a-t-il mis en garde. Selon lui, cette eau contient des polluants dangereux pour la santé. C’est d’ailleurs pour cela que des structures spécialisées comme la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) existent pour approvisionner les populations urbaines.
Face à la prolifération des puits individuels et des forages privés, Dr Adandédji a appelé à une vigilance accrue. “Il faut que les puits soient bien construits, bien protégés et entretenus. Il ne faut pas solliciter de forage de façon hasardeuse. Il faut d’abord obtenir l’autorisation de l’autorité compétente” a-t-il conseillé. Les populations doivent systématiquement procéder à l’analyse de la qualité de l’eau avant toute utilisation, surtout lorsqu’il s’agit d’eau destinée à la consommation.
L’expert a conclu son intervention sur une note d’alerte et de responsabilité collective. “L’eau sera une commodité et il faut que notre cadre soit assez libre pour protéger notre société” a-t-il déclaré. Le défi est immense mais pas insurmontable, à condition que chacun joue sa partition : les autorités, les structures de contrôle, les opérateurs privés et surtout les consommateurs.