Rien ne va plus entre le Bénin et le Niger. Voilà bientôt six mois que le Niger refuse de rouvrir la frontière entre les deux pays. Et mercredi 8 mai, le président béninois Patrice Talon a confirmé l’information RFI de ce lundi, à savoir la décision du Bénin de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien au niveau de la plateforme de Sémé Kpodji, sur les côtes béninoises. Jusqu’à 2023, Aurélien Agbénonci était le ministre béninois des Affaires étrangères. Aujourd’hui, il travaille auprès du Forum de Crans-Montana, qui fait du conseil stratégique. De passage à Paris, il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier.
Aurélien Agbenonci s’est dit surpris par la réaction du président Patrice Talon. “J’ai été un peu surpris d’apprendre que le gouvernement du Bénin avait pris une telle mesure. Je pensais qu’on était dans une démarche d’apaisement et de retour à la sérénité, donc j’ai été très surpris”, a-t-il réagi.
Contribuer à la recherche de solution
À l’origine de cette crise entre les deux pays, il y a le putsch au Niger le 26 juillet 2023 et la décision du Bénin de s’associer aux autres pays de la Cédéao. Ils ont alors sanctionné les putschistes de Niamey.
L’ancien ministre a confié avoir opté pour le silence sur ce sujet. “Je m’étais abstenu pendant un an de m’exprimer sur ces questions-là, une sorte de silence que je m’étais imposé volontairement, et je me suis dit qu’après un an, il était peut-être temps que je me fasse entendre pour contribuer à la recherche de solutions.
Je pense que ce n’était pas la bonne décision parce que la Cédéao, qui a recommandé ces sanctions qui sont plutôt radicales, est elle-même dans une crise identitaire. On parle d’une Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, puis on s’est retrouvé dans une situation où la communauté économique est partie directement sur un terrain politique. Et lorsque vous imposez des sanctions politiques – alors que votre rôle est de rester d’abord dans la recherche de convergences économiques pour pouvoir pousser la croissance et favoriser le développement dans cet espace communautaire -, forcément, on arrive à une situation difficile comme celle-là.
Et donc la décision, elle était dure, elle est conforme à un protocole qui existe, le protocole sur la gouvernance de la Cédéao. Et je pense que, très sérieusement, on aurait dû trouver une manière un peu plus simple de régler le problème, à savoir forcer sur le dialogue, trouver des compromis, établir des échéances de retrait des forces qui ont été responsables de ces changements, de ces ruptures dans l’ordre constitutionnel. Ce sont des choses qui ont déjà fonctionné dans le passé, mais je crois qu’on est allés un peu trop fort et, quand on va trop fort, parfois, ça ne marche pas.
Selon lui, le dialogue a été vicié. “Il y a eu des suspicions, des accusations de part et d’autre qui, forcément, ont fait disparaître la confiance entre les parties. Ensuite, je crois que le Bénin, peut-être, a sous-estimé l’importance du Niger dans son économie. Et on a vu le résultat plus tard, la situation du port de Cotonou en a souffert”, a-t-il affirmé.
Le Togo profite de la crise Bénin – Niger
Mieux, il soutient que le Togo en a profité. “Le Togo en a profité. J’ai écouté les autorités des deux pays et j’ai compris qu’en fait, le Togo n’avait pas préparé spécialement une manœuvre contre le Bénin. Le Bénin non plus n’avait pas prévu que les choses prendraient une telle proportion et je pense qu’une saine appréciation de la réalité et du rôle de chacun aurait pu amener à éviter cette situation.”.
En ce qui concerne la crise diplomatique entre le Bénin et le Niger ainsi que le bloquage du pétrole nigérien, Aurelien Agbénonci appelle le gouvernement à jouer à la carte d’apaisement. “Je n’ai pas les détails de ce qu’il s’est passé. Ce que je sais, c’est qu’il faut trouver des mesures d’apaisement. Je crois que le projet de pipeline est un projet important. C’est un beau projet. Je me souviens moi-même avoir été visiter les installations avec l’ancien président Bazoum lorsqu’il visitait le Bénin. Disons que le projet de pipeline mérite mieux que ce qu’il se passe”, a-t-il proposé. .
Il invite les deux parties à la table de négociation et de médiation. “Je ne sais pas quelle sera la médiation, mais je crois qu’il faut désigner tout de suite des intermédiaires pour leur permettre de se parler. Et, le plus important pour moi, c’est que cette escalade s’arrête. Personne ne sera gagnant dans cette guerre, personne”, a-t-il ajouter.
Belle analyse cher Monsieur