Bon à savoir : Comment apaiser les disputes avec votre ado ? Ces 8 phrases à ne surtout pas dire
Entrer en conflit avec son ado est une situation que les parents ne connaissent que trop bien. Il s’agit d’une période où les deux partis peinent à se comprendre, et à communiquer. Mais certaines disputes peuvent être apaisées. Emmanuelle Mercier, infirmière en pédopsychiatrie, vous explique comment.
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L’adolescence est une étape de la vie qui se caractérise par de grands bouleversements, tant pour l’enfant que pour les parents. Souvent vécue comme une période d’incompréhension, ces bouleversements sont pourtant naturels : les hormones vont déclencher des transformations physiques et des bouleversements émotionnels. “La communication est souvent facile avec un petit enfant “, décrypte Emmanuelle Mercier, infirmière en pédopsychiatrie et auteure de “Avec des mots” (éditions BOD). “A l’adolescence, la pudeur, l’inquiétude de décevoir son parent, l’envie de se prouver à lui-même qu’il est capable fait que le jeune ne se confie plus.”
L’adolescent va également s’affirmer et devenir plus indépendant. Il va sortir du cocon familial, rencontrer de nouvelles personnes, et forger un cercle social qui lui appartient. Les parents prennent alors conscience que leur enfant n’est plus un bébé, pourtant il n’est pas encore un adulte. A cela s’ajoute un écart de génération, de nouvelles expressions que les parents ne comprennent pas, de nouveaux centres d’intérêts et moyens de communication, et le terrain devient propice aux disputes. Mais alors, comment éviter ces petites phrases contre-productives qui passent mal ?
1. Respecter ses choix vestimentaires : “Tu ne vas pas sortir comme ça ?”
Pourquoi il faut éviter : le vêtement de l’adolescent lui sert de seconde peau. “Dans cette période de flou identitaire, l’adolescent se questionne“, décrypte Emmanuelle Mercier. Quand il change de look comme de chemise, passant d’un extrême à l’autre, cela révèle tous les bouleversements qu’il traverse. Le vêtement est aussi le signe d’une appartenance. “Les parents sont déroutés quand ils voient leur fille adopter le look K-pop des jeunes filles asiatiques (groupes de musique de Corée du Sud)“, explique l’infirmière. “Si ces costumes sexualisés inquiètent les parents, l’ado, lui, ne se rend pas compte du regard de l’autre. Il ne s’habille pas ainsi pour se faire remarquer mais au contraire pour se protéger, se cacher.“
Comment réagir ? Accepter de faire des compromis. “Le parent s’est habitué à choisir les tenues pendant la petite enfance. Il faut accepter l’idée que l’adolescent fait désormais ses propres choix”, note la spécialiste. Si sa tenue est trop provocante, évitez de lui faire un listing de reproches. Placez-vous dans le registre du langage émotionnel et valorisez les côtés positifs car l’adolescent manque de confiance en lui.
Par quoi le remplacer ? “Cela m’inquiète de te voir sortir comme ça. Cette jupe me paraît courte, j’ai peur qu’on puisse te le reprocher. Par contre, la chemise que tu as choisie te va très bien.“
2. Ne pas se mêler du choix de ses fréquentations : “Hugo a une mauvaise influence sur toi”
Pourquoi il faut éviter : chez l’adolescent, ses amis sont le reflet de lui-même. En décalage avec la sphère familiale, il se sent plus en phase avec son cercle amical. Quand le parent pointe du doigt la défaillance d’un de ses proches, il le prend directement pour lui. D’où un sentiment d’être incompris. “Les premières amitiés sont très fortes“, observe Emmanuelle Mercier. “A l’heure où l’adolescent est en pleine interrogation, le sentiment d’appartenance à un groupe l’aide à répondre à certaines de ses questions. Souvent, l’opinion du groupe prévaut sur ce que pensent les parents. C’est pourquoi il faut être vigilant quand on critique, même si c’est fondé.“
Comment réagir ? Le considérer comme un être pensant et lui parler sans en référer à ses relations.
Par quoi le remplacer ? Résultats en baisse, non-respect des règles familiales… si le comportement de l’ado a changé et que pour les parents, ces modifications sont attribuables à la mauvaise influence, il peut le questionner : “Que penses-tu des dernières semaines qui viennent de s’écouler ? Je m’inquiète, je trouve que l’on se dispute davantage.” Même si l’adolescent bougonne sans répondre, ces questions vont faire leur chemin. “Même s’il s’en défend, l’adolescent a très peur de décevoir son parent“, ajoute Emmanuelle Mercier.
3. “Tu es toujours enfermé dans ta chambre” : proposer de passer du temps avec avec lui/elle
Pourquoi il faut éviter : “Cette phrase récurrente résume à elle-seule la façon dont les parents considèrent l’adolescence”, résume l’infirmière. “Le parent prend conscience que son enfant ne lui appartient plus complètement. Quand il est petit, il investit toutes les pièces de la maison. Souvent, on désespère qu’il occupe un jour sa chambre, car il a besoin de l’œil parental pour jouer. L’adolescent est le total opposé. Son corps mue, il a l’impression de ne plus rien maîtriser. Le regard parental lui est difficile car il a lui-même du mal à se reconnaître dans la glace face à toutes ces transformations. Dans ce processus de questionnement, il a besoin de se retrouver, de se confronter à lui-même“. C’est pourquoi il a besoin de moments de solitude dans sa chambre.
Comment réagir ? Evitez de lui reprocher cela en permanence. Cette récrimination risque de devenir un fond sonore que l’adolescent n’entend plus.
Par quoi le remplacer ? “Les temps ensemble me manquent. J’aimerais que tu passes plus de temps avec nous“. N’hésitez pas à être force de proposition : “Qu’aimerais-tu qu’on fasse ensemble ? Jouer à un jeu de société, regarder un film que tu affectionnes ?“
4. Ne pas le culpabiliser et le comparer à d’autres : “Ton frère / ta sœur me donnait moins de souci”
Pourquoi il faut éviter : dès tout-petit, l’enfant questionne l’amour parental. “Lorsque l’aîné a eu un parcours sans faute, les parents se sentent sécurisés“, observe la spécialiste. “Ils ont la satisfaction du travail accompli. Or l’arrivée du deuxième peut venir bousculer cette certitude et cela les déstabilise”, décrypte l’infirmière. “Cette remarque trahit leur propre étonnement. Mais l’enfant, lui, a le sentiment de ne jamais être à la hauteur. Cela peut le décourager.“
Comment réagir ? Ne cherchez pas de copier-coller. “Même si l’aîné semble pleinement satisfait de ce qu’il est devenu, les parents doivent réaliser que c’est toute la richesse d’une famille d’avoir des enfants différents. C’est dans cette diversité que l’on s’épanouit“. Si vous observez un changement dans le comportement de l’adolescent, s’il désinvestit sa scolarité, questionnez-le plutôt sur ces bouleversements.
Par quoi le remplacer ? “Je m’inquiète de te voir désinvestir ta scolarité. Qu’est-ce qui se passe au collège ? Est-ce qu’il y a des choses qui sont compliquées pour toi en ce moment ? Je suis disponible pour en discuter.” Plus l’adolescent sentira la parole libre et ouverte, plus ce sera simple pour lui de se lancer.
5. “On ne peut pas te faire confiance” : l’encourager à prendre confiance en lui
Pourquoi il faut éviter : “Cette phrase est douloureuse car elle pose un constat généraliste : jamais on ne pourra lui faire confiance“, explique Emmanuelle Mercier. Du côté de l’adolescent, cette position est redoutable. Cela signifie que quoi qu’il fasse, sa parole sera mise en doute. Or l’adolescence est l’âge des expérimentations… et des erreurs.
Comment réagir ? Si l’adolescent a manqué à sa parole, c’est essentiel de lui signifier son mécontentement : on n’a pas pu lui faire confiance à ce moment-là. C’est l’occasion de lui redonner une chance, afin qu’il se sente écouté et responsabilisé.
Par quoi le remplacer ? “La dernière fois, on s’était mis d’accord sur le fait que tu rentrais à 22h et tu ne t’y es pas conformé. On veut bien retenter, à toi de nous démontrer que tu es capable de respecter cet horaire.“
6. “Tu passes ta vie sur ton téléphone” : s’intéresser à son cercle social
Pourquoi il faut éviter : pour l’adolescent, le téléphone symbolise le lien avec ses amis. Lui répéter en permanence qu’il est toujours sur son portable risque de devenir un fond sonore auquel il ne prêtera pas attention.
Comment réagir ? Amenez le désir plutôt que le reproche. Si l’adolescent comprend qu’il y a une inquiétude du parent, une envie de partager du temps avec lui, il aura plus de facilité à accéder à sa requête.
Par quoi le remplacer ? “Tu passes moins de temps avec nous et quand tu es à la maison, tu y es sans y être. Accepterais-tu de lâcher ton téléphone pour que l’on ait des moments rien qu’à nous ? J’aimerais que l’on puisse discuter davantage.“
7. “Ça ne vaut pas la peine de se mettre dans cet état” : valider ses émotions
Pourquoi il faut éviter : l’adolescent est en difficulté dans sa gestion émotionnelle. Face à ses premières expérimentations, il n’a pas encore la maturation cérébrale pour gérer les premiers échecs, les premières douleurs. “Quand l’enfant est petit, s’il s’écorche le genou, il partage immédiatement sa douleur avec son parent qu’il appelle tout de suite au secours“, explique Emmanuelle Mercier. “L’adolescent, lui, ressent une forme de pudeur. Il ne veut plus être considéré comme un bébé et aspire à se débrouiller par lui-même.” Un échec sentimental peut faire l’effet d’un cataclysme dans sa vie. “Les parents essaient souvent de minimiser : ce n’est pas si grave, ce n’est qu’une amourette“, précise la spécialiste. “Mais cela discrédite les émotions de l’enfant. Il est déjà en difficulté pour admettre cette souffrance et la revendiquer. Lui affirmer qu’il n’est pas en capacité de s’autoréguler, c’est terrible. Les adultes ont des années d’expérience qui leur permettent la mise à distance nécessaire. Ils ont tendance à considérer leur adolescent comme un mini-adulte.”
Comment réagir ? Considérez son émotion comme légitime.
Par quoi le remplacer ? “Je vois que tu es en souffrance. Je comprends que ce que tu vis est difficile. Plus tu vas grandir, plus tu vas apprendre à relativiser car les expériences d’aujourd’hui t’enseignent celles de demain.”
8. Ne pas dévaloriser ses efforts : “Tu pourrais faire mieux”
Pourquoi il faut éviter : “Cette phrase beaucoup trop généraliste donne l’idée que, quoi que l’on fasse, nos efforts seront toujours insatisfaisants“, décrypte l’infirmière. Ne pouvant jamais être à la hauteur des attentes parentales, l’adolescent risque de se décourager pour de bon.
Comment réagir ? Lancez-lui des petits challenges, pour rendre palpable ce “mieux” vers lequel vous voulez qu’il tende. C’est une façon de concrétiser l’effort qu’il doit fournir.
Par quoi le remplacer ? “Je pense que tu es capable de gagner un point sur ta moyenne du trimestre prochain.”
Pour aller plus loin : Avec des mots, Emmanuelle Mercier, aux éditions BOD