Contraception : des chercheurs travaillent sur un vaccin empêchant la grossesse
L’invention de la pilule contraceptive a révolutionné la vie des femmes mais elles sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui à l’abandonner. Méconnu du grand public, un moyen de contraception inédit est en développement : l’immunocontraception par voie injectable.
Avec près de la moitié des grossesses dans le monde qui sont imprévues, la question de la contraception est plus que jamais au cœur des préoccupations. Choisir sa contraception se fait parfois plus par dépit entre des moyens contraignants, invasifs et sources d’inquiétude pour la santé. Ainsi, presque un quart des Françaises n’utilise pas de contraception par crainte des effets secondaires, en particulier ceux causés par les contraception hormonales.
En 1972, le chercheur indien Gursaran Pran Talwar constate l’absence d’une solution contraceptive efficace et sans désagréments pour les femmes. Car entre les difficultés d’accès et la réticence aux moyens contraceptifs, y compris les préservatifs, la ligature des trompes est encore aujourd’hui la méthode contraceptive la plus courante en Inde, bien qu’elle soit irréversible.
Le professeur Talwar s’est donc lancé dans le développement d’un nouveau contraceptif : un vaccin qui empêcherait les grossesses pendant plusieurs mois, sans quasiment aucun inconvénient.
COMMENT FONCTIONNE L’IMMUNOCONTRACEPTION ?
Un vaccin “anti-grossesse”, c’est “essayer d’immuniser un animal contre lui-même“, résume Julie Levy, spécialiste des maladies infectieuses félines à l’université de Floride (Etats-Unis) ayant travaillé sur les immunocontraceptifs chez l’animal et dont les propos sont rapportés par le site The Atlantic. Ces injections contraceptives sont déjà utilisés pour de nombreuses espèces animales sauvages afin de contrôler leur prolifération. Chez l’homme, le vaccin en est encore au stade des essais cliniques.
L’hormone visée par le vaccin est l’HCG (hormone chorionique gonadotrope humaine), produite dès les premiers jours après la fécondation, c’est d’ailleurs celle recherchée lors d’un test de grossesse. Elle est indispensable à la grossesse, elle permet notamment à l’embryon de s’implanter et joue un rôle essentiel à son développement. Le vaccin visera donc à neutraliser cette hormone avec la production d’anticorps anti-HCG. Sans elle, la grossesse ne peut pas avoir lieu.
QUELS SERAIENT LES AVANTAGES DE CE VACCIN CONTRACEPTIF ?
- Il serait sans danger pour la santé, la neutralisation de l’HCG n’affectant aucunement le fonctionnement de l’organisme.
- Il n’est pas contraignant. Dans sa dernière version, le vaccin nécessite 3 doses initiales, administrées à quelques semaines d’intervalles puis des rappels annuels. Mais les réponses immunitaires variant d’une personne à l’autre, une alternative qui permettrait une libération prolongée du vaccin en une seule injection est étudiée.
- Il n’y a pas d’effets secondaires hormonaux qui pourraient affecter l’humeur, la libido ou le poids.
- L’ovulation et les règles sont maintenues : l’HCG n’a pas d’effet sur le cycle menstruel.
- Il est totalement réversible : sans rappel, le taux d’anticorps anti-HCG diminue progressivement et celles qui le souhaitent pourront tomber enceinte.
QUE SAIT-ON DE L’EFFICACITÉ DU VACCIN CONTRACEPTIF ?
Les résultats des premiers essais cliniques de ce vaccin ont été publié en 1994 et sont dans l’ensemble très positifs. Cependant, il est plus efficace sur certaines femmes que d’autres.
Après injection du vaccin expérimental, les analyses de sang des participantes ont révélé que la réponse immunitaire était insuffisante pour environ 20 % d’entre elles, ne garantissant pas la contraception. À la différence d’autres vaccins qui peuvent être commercialisés à des seuils bien moins élevés, un vaccin contraceptif ne peut être accepté au-dessous des 99 % d’efficacité.
OÙ EN EST-ON APRÈS 50 ANS DE RECHERCHE ?
Bien qu’il reste des aspects à améliorer dans le fonctionnement du vaccin, le plus gros frein rencontré par ce projet est son concept en soi. Tout d’abord, une grossesse n’est pas une maladie, la traiter comme avec un vaccin telle soulève de nombreuses questions éthiques.
En parallèle, il existe une méfiance générale envers les vaccins et les contraceptifs. Mais malgré des pertes de financements et de nombreuses interruptions, le docteur Talwar n’a jamais abandonné son projet de vaccin contraceptif.
UN VACCIN ÉGALEMENT EFFICACE CONTRE CERTAINS CANCERS ?
La dernière version du vaccin combine maintenant deux effets : une action contraceptive mais aussi contre certains cancers à un stade avancé. En effet, de nombreux tests ont montré que le vaccin serait aussi efficace pour neutraliser des cellules cancéreuses dans les cancers impliquant une production anormale d’HCG (cancer du sein, cancer de l’ovaire…).
Ayant également découvert un vaccin inédit contre la lèpre, Talwar a pu utilisé ses découvertes pour améliorer la réponse immunitaire du vaccin contraceptif.
Ralentis par la pandémie de Covid-19, les essais cliniques ont récemment repris. “Je suis en bonne santé” conclut Talwar, aujourd’hui âgé de 96 ans, lors de son entretien avec The Atlantic, il espère simplement que son invention puisse franchir les derniers obstacles “avant que [il] ne m’en aille“.
Sources :
- A Vaccine for Birth Control ?, The Atlantic, mai 2023
- Nearly half of all pregnancies are unintended, UNFPA, mars 2022
- Talwar GP, Singh O et al. A vaccine that prevents pregnancy in women. Proc Natl Acad Sci USA. 1994 Aug 30 ; 91(18):8532-6. doi: 10.1073/pnas.91.18.8532.
- Talwar GP, Gupta JC et al. A unique vaccine for birth control and treatment of advanced stage cancers secreting ectopically human chorionic gonadotropin. Explor Immunol. 2021 ; 1:398-405. doi.org/10.37349/ei.2021.00026.