Dans le centre du pays, des religieux ont instauré l’Amchilini. Une pratique jugée discriminatoire et qui pénalise ceux ou celles qui refusent de dire oui.
Le Conseil supérieur des affaires islamiques du département de Mangalmé a instauré la pratique de “Amchilini” dans la ville de Mangalmé et les villages environnants.
Selon les règles d’Amchilini, une femme qui refuse une demande en mariage devra désormais payer une amende d’environ 40 euros. La Ligue tchadienne des droits des femmes affirme qu’il s’agit d’une forme de mariage forcé et demande l’annulation de cette pratique qu’elle juge discriminatoire à l’égard des femmes.
Encourager les jeunes ou lutter contre la “débauche” ?
Selon les témoignages anonymes de nombreux habitants de la province du Guéra, la pratique d’Amchilini, qui veut dire “Choisis moi” en arabe local, a été instaurée par le Conseil supérieur des affaires islamiques de la province pour encourager les jeunes à se marier. Mais cette coutume viserait également à lutter contre ce que les autorités religieuses qualifient de “débauche” chez les jeunes.
Pour Falmata Issa Mahamat Maina, la chargée de communication de la Ligue tchadienne des droits des femmes, Amchilini est une pratique qui viole la loi sur le libre consentement au mariage.
“Déjà, j’aimerais comprendre si l’amende va au garçon ou à la juridiction islamique ? C’est ce que j’aimerais bien comprendre. Et deuxièmement, 25.000 francs CFA, soit environ 38 euros, même pour les personnes qui vivent à N’Djamena dans la capitale, avec des activités, c’est déjà un souci. Imposer cette somme-là aux personnes qui vivent dans des zones défavorisées, mais où est-ce qu’ils auront ces 25.000 francs CFA ? C’est une pression psychologique en ce sens que, lorsque la personne n’aura pas les moyens, elle sera obligée d’accepter. Il faut qu’on comprenne qu’aucun mariage n’est accepté dans l’islam lorsque la fille n’est pas consentante.”Lire la vidéo
Amende aussi pour les hommes
Pour le vice-président du Conseil supérieur des affaires islamiques, Cheikh Abdeldayim Abdallah, c’est une pratique qui n’a rien à voir avec la religion musulmane : “J’ai appelé les autorités du conseil islamique du Guéra pour leur dire clairement qu’Amchilini n’est pas une pratique religieuse musulmane. Parce que ça ne remplit pas les conditions ou les principes du mariage islamique. Ce que nous voulons, en revanche, c’est que les gens baissent le prix du mariage pour encourager les jeunes à se marier parce qu’aujourd’hui chaque fille, chaque garçon veut se marier. Mais la barrière c’est le problème de l’argent.”
La Deutsche Welle a tenté, sans succès, d’avoir l’avis des autorités tchadiennes sur le sujet. Il faut préciser que, toujours selon les règles de Amchilini, la femme peut également demander un homme de son choix en mariage. En cas de refus, l’homme doit aussi payer une amende, plus importante même, de 100.000 francs CFA, soit environ 150 euros.