Bénin: «Je vis toujours (…) je ne suis pas en prison», des nouvelles de Blanchard Anani, jeune exilé politique
Militant engagé et exilé politique, Blanchard Anani vit depuis près de sept ans en Belgique, fuyant les persécutions dont il dit avoir été victime au Bénin. Dans un entretien exclusif, il revient sur les raisons de son départ, ses espoirs, et son engagement indéfectible pour un Bénin plus juste et démocratique.
Depuis le 15 septembre 2018, Blanchard Anani, aujourd’hui âgé de 35 ans, vit en exil en Belgique. Ancien étudiant au Bénin, il a fui son pays natal après avoir été victime de multiples agressions et menaces de mort. Selon lui, son seul « tort » est d’avoir osé dénoncer publiquement les abus du régime en place.
« Je recevais beaucoup d’appels de menaces, et j’ai été plusieurs fois agressé physiquement », confie-t-il. A le croire, un ami inspecteur de gendarmerie lui a d’ailleurs lancé un avertissement sans détour: « Abandonne ton combat ou quitte le pays et va très loin si tu le peux encore. »
Un exil amer entre précarité et détermination
Refusant de se taire, il tente d’alerter les autorités béninoises, mais se heurte à une justice qu’il qualifie de « corrompue ». Finalement, c’est avec l’aide discrète de certains hommes politiques solidaires mais silencieux qu’il quitte légalement le pays. Orphelin de père et de mère, et ayant perdu son fils unique avant son départ, Blanchard porte en lui une blessure profonde, nourrie par l’exil et les drames personnels.
Installé en Belgique, il découvre une nouvelle réalité difficile à vivre. « Sans papiers, je ne peux ni travailler, ni me soigner. Je suis obligé de squatter chez des amis. », a-til confié.
Il soutient que plusieurs tentatives de demande d’asile ont échoué, le plongeant dans une situation d’irrégularité et d’instabilité. Malgré tout, après sept ans sur le territoire, il affirme être bien intégré et continuer son combat à travers des interventions sur TikTok et d’autres plateformes, souvent sous couvert d’anonymat.
Engagement politique et espoirs brisés
Toujours connecté aux réalités politiques de son pays, Blanchard Anani suit de près les activités d’opposants béninois tels qu’Habib Ahandessi, Hugues Sossokpé ou encore feu Latif Radji, son « ami et compagnon de lutte », mort en détention à Cotonou.
Dans ses interventions, il n’hésite pas à dénoncer l’extradition de certains opposants comme le journaliste et lanceur d’alerte Comlan Hugues Sossoukpè depuis la Côte d’Ivoire malgré leur statut de réfugié.
« La situation socio-politique au Bénin ne fait que s’aggraver. Dès que vous critiquez le régime, vous risquez 10 à 20 ans de prison. », t-il déploré.
Quand on évoque un retour éventuel au Bénin, sa réponse est sans appel : « Même mon cadavre ne reviendra pas au Bénin. » Pour lui, le pays est confisqué par une minorité, et les opposants n’ont d’autre choix que l’exil ou la prison. Malgré les risques, il continue de faire entendre sa voix, convaincu que son combat est juste.
« Je ne suis pas mort, et je n’abandonnerai jamais »
Dans un ultime message, Blanchard appelle les autorités béninoises à comprendre que le pays appartient à tous.
« Il est temps que le Bénin soit dirigé par un bon leader. Je vis toujours, et nombreux se demandent où je suis. Je tiens à les rassurer : je ne suis pas en prison, et je n’ai pas abandonné. »
Son témoignage, poignant et sans concession, rappelle la douleur silencieuse de nombreux exilés politiques et la nécessité d’un débat national sur les droits, la démocratie et la justice au Bénin.