Au Bénin, le point d’étape de la mission d’intérim à l’Agence nationale des Transports terrestres (ANaTT) a été dévoilé ce mercredi 7 juillet 2021 en conseil des ministres. Au vue du rapport accablant, plusieurs responsables de l’Agence nationale des Transports terrestres ont été relevés de leurs fonctions et poursuivis en justice.
Le Conseil des ministres de ce mercredi a décidé de relever de leurs fonctions, messieurs Thomas AGBEVA, ancien Directeur général de l’ANaTT et actuellement conseiller technique du ministre des Infrastructures et des Transports, Félix Jonas KOUKOUI, Directeur des Titres de transport, Malik BAGNAN, Directeur administratif, Dominique C. P. BOKO, Agent comptable et Charles J.M. ZOGLOBOSSOU précédemment Personne responsable des marchés publics.
Des poursuites judiciaires appropriées seront également engagées à leur encontre et Conseil a, en outre, ordonné la transmission au ministre de la Justice et de la Législation ainsi qu’au Directeur général des Douanes, aux fins de poursuites, de la liste des propriétaires des 2646 véhicules illégalement immatriculés sans paiement des droits de douane.
De graves irrégularités à l’ANaTT
Le point d’étape de la mission d’intérim à l’Agence nationale des Transports terrestres (ANaTT) a été soumis au Conseil des ministres. Le rapporte renseigne que la mission du Directeur général intérimaire se déroule comme prévu. Ainsi, au nombre des principales activités exécutées, figurent notamment : la prise de dispositions pour éviter la déperdition de fonds et sécuriser les ressources de l’Agence ; l’élaboration d’un projet de nouveaux statuts de l’Agence ; la revue du dispositif d’organisation de l’examen du permis de conduire et la prise de mesures visant à sécuriser et à fiabiliser les résultats ; l’identification d’un système électronique de gestion du fret terrestre ; les diligences effectuées en vue de définir les modalités d’ouverture aux opérateurs privés du marché de fourniture des intrants d’immatriculation des véhicules.
En effet, un audit réalisé sur la période de 2016 à 2020, a fait ressortir de graves irrégularités. Les défaillances relevées portent aussi bien sur l’organisation générale de l’Agence, caractérisée par un cadre réglementaire inadéquat, l’insuffisance du personnel technique, la pléthore d’agents d’exécution, la prépondérance des traitements manuels de données ainsi que le défaut de protection de celles-ci ou de l’intégrité du système informatique.
Un tel contexte a favorisé, au cours de la période sous revue, des manques à gagner estimés à 13,6 milliards de FCFA dont 1,3 milliard de FCFA concernant des décaissements relatifs à des marchés irrégulièrement passés, 191 millions de FCFA s’agissant de paiements pour des actes anormaux de gestion et 12,1 milliards de FCFA au titre de présomptions de fraude dans le cadre de la gestion des opérations d’immatriculation.
Lesdites présomptions sont notamment relatives à des cas de véhicules non dédouanés qui ont été immatriculés, soit 2646 véhicules au total, représentant un préjudice financier d’environ 7,9 milliards FCFA, ainsi qu’à de dossiers d’immatriculation dont les quittances de paiement n’ont pu être fournies. Y figurent aussi, des cas d’usage non élucidé d’intrants d’immatriculation acquis par l’Agence au cours de la même période.
L’adoption irrégulière d’une convention collective
Le rapport révèle également l’adoption irrégulière d’une convention collective accordant des avantages exorbitants au profit des agents. A titre illustratif, il s’agit selon le compte rendu du conseil des ministres d’une prime bimestrielle octroyéeà l’ensemble du personnel et qui, à l’analyse, est un complément de salaire déguisé ; d’indemnités et primes dites « de fonction administrative et politique » allouéesau Directeur général et à son adjoint comprenant, entre autres, des primes de responsabilité et d’indemnitéscompensatrices de logement, alors que d’autres rubriques de la convention les prévoient déjà ; de l’octroi, à tous les directeurs, d’une prime de gestion calculée à partir du résultat d’exploitation de l’Agence.
A tout cela s’ajoute le paiement, chaque année, d’une gratification correspondant à un mois de salaire, consacrant ainsi une pratique de paiement de treizième mois, en violation des règles appliquées dans l’Administration publique ; le paiement « d’indemnités pour travaux spéciaux » estimés à 88.825.500 FCFA, allouées de façon abusive à des membres de plusieurs comités mis en place pour des tâches relevant normalement de leurs attributions d’un soutien financier de 500.000 FCFA en cas de décès du travailleur en activité et de 200.000 FCFA en cas de décès du travailleur à la retraite.
En outre, il ressort du rapport d’audit que des avantages indus ont été consentis aux administrateurs de l’Agence. C’est ainsi que, de 2017 à 2019, il leur a été versé, indépendamment de leurs indemnités réglementaires de fonction, des jetons de présence et des dotations annuelles de frais de carburant pour un montant de 35.320.000 FCFA.
Des décaissements résultant d’actes anormaux de gestion
De même, il est à signaler des décaissements résultant d’actes anormaux de gestion, évalués à 180.400.016 FCFA dont la dotation en boissons au profit de l’ensemble des agents ayant rang de directeur, pour un montant de 34.413.645 FCFA ; le rachat en juin 2019, par le Directeur général, de son véhicule 4×4 de fonction, au prix dérisoire de 3.050.000 FCFA alors même que ledit véhicule, moins d’un an avant, a fait l’objet de diverses réparations pour un montant de 6.733.070 FCFA.
Le même rapport révèle des cas de procédures irrégulières de passation de marchés publics pour un montant de 1.349.388.535 FCFA dont 921.732.801 FCFA exclusivement au moyen de bons de commande signés du Directeur général, et 265.966.837 FCFA sous la seule responsabilité du Directeur administratif sur la période de 2018 à 2019.
Enfin, il convient de relever un usage non justifié de cartes grises de véhicules de 2 et 4 roues, pour un montant de 2,8 milliards de FCFA ; une confection inexpliquée de plaques d’immatriculation de véhicules à 4 roues non livrées aux usagers, d’une valeur de 859 millions de FCFA.
Au titre de ces mêmes irrégularités, figurent des pratiques de rançonnement systématique d’un montant de 2.000 FCFA à la charge des usagers à l’occasion de la fixation des plaques d’immatriculation. Une telle pratique a généré, sur la période sous revue, un montant de 145 millions de FCFA.