2 activistes Climat exclues d’un sommet de l’ONU
Le 3 juin, les activistes Tasneem Essop et Anabella Rosemberg ont manifesté leur soutien aux Palestiniens lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence de Bonn sur le changement climatique. Elles ont été exclues du sommet.
Le lundi 3 juin, Tasneem Essop et Anabella Rosemberg, qui travaillent au Climate Action Network, ont provoqué la suspension de la cérémonie d’ouverture de la conférence de Bonn sur le changement climatique, qui vise à préparer la COP29 qui se tiendra en novembre à Bakou, en Azerbaïdjan. Parce qu’elles ont manifesté leur soutien aux Gazaouis, en Palestine, elles ont été exclues de ce sommet de l’ONU.
Ces deux amies et collègues sont rompues aux négociations internationales sur le climat. Depuis la conférence mondiale sur le climat de Montréal (COP11), en 2005, elles supervisent ces évènements pour diverses organisations de la société civile. « Nous sommes des vétéranes », s’amuse Anabella Rosemberg, contactée par Reporterre au téléphone.
Que s’est-il passé pour que la cérémonie soit suspendue ? Elles sont d’abord montées, sans y être invitées, sur la scène bordée de fleurs. Tasneem a brandi un drapeau palestinien et Anabella a déployé une banderole contenant le slogan « Pas de BAU [business as usual] pendant un génocide ». « Nous menions cette action à titre individuel », tient à préciser Anabella Rosemberg, qui est experte en justice sociale et climatique, passée par Greenpeace et la Confédération syndicale internationale, dont elle a été porte-parole pendant près de quatorze années.
« Pas de justice climatique sans droits humains »
« On s’adressait à tous ces négociateurs qu’on connaît bien, à nos amis de la société civile, pour les appeler à ne pas ignorer qu’un génocide est en cours à Gaza, explique-t-elle. Les règles du droit international humanitaire sont en train d’être violées : on ne peut pas continuer d’opérer froidement, comme si de rien n’était. »
Tasneem Essop, Sud-africaine, et Anabella Rosemberg, Argentine vivant depuis des années en France, ont été vite cernées par plusieurs policiers de l’ONU, et n’ont pas eu le temps de dérouler leur deuxième bannière « Pas de justice climatique sans droits humains ».
Appelé au pupitre, le secrétaire exécutif de la Convention de l’ONU sur le climat, Simon Stiell, les a contournées en feignant de ne pas les voir. Il a lu son discours inaugural. Imperturbable. « Ça m’a attristée qu’il ne reconnaisse pas notre présence, car c’était l’exemple même de ce que nous voulions dénoncer : même quand on met le génocide devant leurs yeux, ils continuent leur train-train sans s’émouvoir plus que ça. » Pour elle, « cela pose aussi la question de comment on traite les vies des personnes les plus vulnérables à travers le monde, que ce soient celles qui se perdront à cause du changement climatique, des pollutions liées à l’extractivisme… Ce qui se passe en Palestine est un autre indicateur de ce manque d’empathie et de solidarité. »
Leurs badges d’entrée ne fonctionnent plus
Après les douze minutes d’allocution de M. Stiell, Tasneem Essop et Anabella Rosemberg ont été chassées de la scène, provoquant une brève suspension de la cérémonie. Une troisième personne, Danni Taaffe, une communicante irlandaise travaillant également pour le Climate Action Network, a été aussi exclue — sans ménagement, selon plusieurs sources — par la police, après avoir commencé à filmer.
Les trois femmes ont été « débadgées » de la conférence de Bonn, qui dure jusqu’au 13 juin, et ne savent pas si elles pourront la réintégrer. « Il existe un risque que nous restions à la porte, mais nous ne regrettons pas, nous connaissions les règles. Un génocide en cours sera toujours plus important que de perdre un badge », réagit Anabella Rosemberg. En revanche, elle déplore la situation de Danni Taaffe qui, assure-t-elle, n’a pas participé à l’action. Son exclusion définitive « marquerait une vraie limite à la liberté d’information ».
Après quelques minutes, le président a repris la séance plénière, par ces mots : « La situation est revenue à la normale. »
« Une vraie limite à la liberté d’information »
Les organisations féministes et de défense du climat Women and Gender Constituency et Demand Climate Justice (DCJ), elles, ont publié un communiqué, le mardi 4 juin, pour exhorter la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et le secrétaire exécutif Simon Stiell à rendre immédiatement leurs badges à Anabella Rosemberg, Tasneem Essop et Danni Taaffe.
« Nous sommes solidaires dans la rage que nous ressentons face aux circonstances actuelles, écrivent-elles. Nous ne pouvons ignorer les génocides en cours en Palestine, au Soudan, en République du Congo et dans bien d’autres endroits, financés par des ressources, en particulier celles des pays du Nord, qui devraient plutôt être consacrées à l’action climatique et non à l’extermination. »